lundi 2 mai 2011

La route de la mort

Début octobre 2008 :


Pourquoi ce titre évocateur ? J'y viens, j'y viens...
Tout d'abord les dernières news : je suis bien arrivé à La Paz, une ville étrange, surpeuplée, bien sale et bien polluée. On y vit comme un roi pour 3 francs six sous. M'enfin, au fond ça m'est égal puisque mes économies vont bientôt être transformées en P.Q. par la crise financière... Un grand merci aux banquiers qui se croient au casino, aux traders aux poches pleines de biftons et aux narines pleines de coco, ainsi qu'à nos bons amis libéraux ("un système qu'il est bien"©), pour avoir provoqué ce joyeux bordel. Vous en faites pas : la "main invisible" (Amen) va nous tirer de ce mauvais pas avec ses super-pouvoirs, pour sûr... Voilà, c'était le coup de gueule du jour. Ca sert à rien mais ça fait toujours rrrrikoler...

Alors sans plus attendre, venons en au sujet du jour : la route de la mort, el camino de la muerte, comme on l'appelle ici.
La route des Yungas nord relie La Paz au petit village de Coroico. Elle plonge de 4700 mètres à 1200 mètres en 45 kilomètres environ. En 1995, elle a été désignée "route la plus dangereuse du monde" par la Banque (merde, encore une banque, grrrr) de Développement Inter-Américaine. Pourquoi donc, me direz-vous ?
Ben c'est assez simple : dans sa partie la plus "merdique" (environ 25-30 bornes), la route est un chemin de terre de 3 mètres de large bien rocailleux, bien foireux, avec un léger ravin juste à coté. Ho, rien de bien méchant, une paille, ma p'tite dame : entre quelques dizaines de mètres et 800 mètres de chute verticale dans le pire des cas. Cette configuration cocasse se traduisait avant 2006 par la mort de 100 à 200 boliviens par an (depuis, une nouvelle route asphaltée et sécurisée a été ouverte, qui draine l'immense majorité du traffic).
Mais pourquoi je vous parle de cette route au fait ? Ha oui : je l'ai descendue à VTT. Bah, pas de panique : j'avais scrupuleusement évalué les risques. Depuis que des agences organisent ce type d'expédition (environ 20 ans), sur 25000 personnes ayant tenté la descente en vélo, seuls 13 cyclistes ont rejoint leur créateur. Ca me faisait à peine moins d'une chance sur 2000 d'être transformé en porridge humain, ce qui est à mon goût tout à fait acceptable.
Mardi dernier, je me suis donc empressé d'aller réserver mon billet pour la route de la mort. Après m'être renseigné un minimum sur les agences, dont les prix varient entre 28 et 65 euros, je me suis pris mon ptit ticket à 28 euros (je me sentais costaud dans ma tête). Inutile de raquer le prix fort dans une agence tenue par des gringos, avec des vélos à suspension hydraulique (sert à rien) : je préfère donner mes ronds à une chtite agence sympatoche tenue par des locaux kinenveulent, quitte à ce que les vis de mes freins soient un peu moins serrées. De toute façon, je sens que mon karma ne me prédispose pas à une chute de 600 mètres : ce serait "trop zorrible". Et puis si je tombe, nul doute que la "main invisible" (Amen) me rattrapera au vol et me ramènera en douceur sur la route.
Voici donc, pour vous, en exclu mondiale, le récit de cette tumultueuse descente :

Mercredi 8 octobre, 9h30
Notre petit van pourlingue s'arrête à la Cumbre, à 4700 mètres. Il meule sévère et il neige...
Je suis en compagnie de Menno, un hollandais bien sympa, Cathie, une jeune australienne plutôt mignonne de 22 ans (pour George Best, le Russe et Rotule : non, je ne l'ai pas besognée à l'arrière du bus...) et Lucas, un bon vieil amerloque du Colorado bien bourrin comme on les aime (il m'a avoué pas peu fier que l'une de ses activités favorites consistait à effectuer des cartons au shotgun sur des tonneaux).
V'la l'équipe :


Après avoir revêtu des habits pseudo-imperméables fournis par l'agence, on se lance sur la route. La première partie est asphaltée mais quand même relativement glissante. Le froid nous congèle la tête. J'ai l'impression d'avoir de la Häagen-Dans dans le cerveau.
On est pas partis depuis 5 minutes qu'on voit un gros atroupement de personnes au bord du ravin. Angel, notre guide, s'arrête pour voir ce qu'il en est. Quelques centaines de mètres plus bas, dans la neige, on voit plusieurs véhicules stationnés, et une masse de métal difficilement identifiable. Verdict : un van (similaire au notre) a fait le grand plongeon. 9 morts et 5 blessés. Gloups... Voilà qui vous refroidit encore un peu plus...
On continue quand même notre descente. Angel ne s'embarrasse pas : il fonce à tombeau ouvert sur la route. On dépasse tous les autre groupes partis avant nous. Ces lambins n'ont qu'à bien se tenir !
Enfin, on arrive au début du vrai camino de la muerte. Les choses sérieuses commencent...
Petit hic : le temps est toujours aussi nuageux et on ne voit pas grand chose. Hum...


Derrière nous, le ravin fait 300 mètres...

On descend à un bon rythme. C'est un peu frustrant de ne pas pouvoir voir la profondeur du ravin, mais on garde l'espoir que les nuages se dissipent.


A chaque croix ou chaque stèle sur le bas coté, Angel, avec son sourire roublard, nous explique les circonstances de l'accident qui s'est déroulé : ici un bus plein a craquer qui a fait le grand plongeon, là une course entre deux cyclistes qui a terminé en vol plané. Instructif (et sordide...).



Peu à peu, les nuages commencent à s'éclaircir, dévoilant des paysages grandioses :


Angel va toujours aussi vite, suivi de peu par Lucas, le ricain fou, et par votre serviteur, toujours adepte des sensations fortes. Lucas n'hésite pas à envoyer des sauts dès qu'il voit la moindre petite bosse. La descente à coté de ce précipice monstrueux a résolument quelque chose de grisant...
Malgré les conditions météo pas top, l'équipée se poursuit dans la bonne ambiance et la gaudriole :



Evidemment, la chute est toujours à proscrire, sous peine d'être réduit à l'état de tortilla sauce chili :


Enfin, à 2500 mètres, on recommence un peu à voir le jour :



Au loin, commence à se profiler notre destination : le petit village de Coroico, perché au milieu de la jungle Bolivienne.



Peu à peu, la route se fait moins escarpée. Finalement on arrive sains et saufs, soulagés d'avoir survécu à la descente du camino de la muerte.



Après, place au cassage de ventre en règle : dans un hôtel paradisiaque surplombant la vallée, on ingère un délicieux buffet avec un grand choix de légumes et de viandasse. Slurpzg ! Puis, pour clore le tout, je me prends un bon bain dans la piscine de l'hôtel.


Pas le temps de tergiverser : après une douche bien méritée on rentre à La Paz (mais cette fois en camionnette, pas en vélo, 3500 mètres de dénivelé positif oblige). Angel nous demande si on veut prendre la nouvelle route ou de nouveau la route de la mort, en insistant bien sur le fait qu'en empruntant cette dernière, on gagne 1/2 heure (et accessoirement on économise de l'essence...). La réponse fuse : on prend la route de la mort ! A partir de là commencent les vraies sueurs froides : autant quand on est sur son vélo on a le sentiment de contrôler un peu son destin, autant quand on est embarqué dans un petit van conduit par un bolivien qui mache feuille de coca sur feuille de coca et qui se prend pour Lewis Hamilton, j'aime autant vous dire qu'on fait moins le mariole avec ce ravin de 800 mètres à 30 centimètres des roues.



Finalement on évite le grand saut. Une fois revenus sur la route asphaltée, on peut enfin profiter du paysage qu'on a raté dans la matinée, faute de visibilité. Les nuages cotonneux sont du plus bel effet :



Au bout du compte, on rentre à La Paz, pas mécontents d'avoir survécu au camino de la muerte...

A bientôt, et surtout n'oubliez pas : ayez confiaaaance en la main invisible (Amen) !

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Légendaire baron !!!
Ca fait peur rien qu'en photo.

Le lien que tu as mis sur la route de la mort est énorme : on voit des camions et des bus se croiser à moitié dans le vide.

Je pense que Skippy a du bien tenir sa droite avec un tel ravin à coté...
Un peu triste pour la reconversion en enchilada humaine des 9 gogos tombés dans le ravin mais la main invisible va leur ouvrir la porte des cieux (tas d'cons...)

Anonyme a dit…

Complément d'info par l'image...

http://www.vincetmanu.com/voyages_bolivie/driving_bolivia.pps

Anonyme a dit…

Je t'imagine bien comme un ouf et inconscient sur ton vélo :) Pense à revenir entier quand même ce serait cool ...
Pas mal la tof de l'aussie ... ça change des mecs barbu en sac à dos et polaire!
G. B.